Dès le début de la guerre, les pires horreurs circulent sur les Allemands qui couperaient les mains des enfants et leur crèveraient les yeux. La presse raconte aussi que les Feldgrauen coupaient la main droite des garçons pour les empêcher de devenir soldats. Il n’y a aucune preuve de ces affirmations.
Jean Richepin, l’auteur du texte ci-dessous raconte en octobre 1914 : « On a vu revenir des cosaques les yeux crevés, sans nez et sans langue ». A partir de 1915, de nombreux prisonniers cosaques ont été soignés dans les lazarets de Straßburg. Ceux qui y sont décédés sont enregistrés dans les registres d’état-civil de la ville.
Toute cette propagande antigermanique avait pour but de motiver les Poilus pour les envoyer à la boucherie.

L’académicien Jean Richepin use de sa notoriété pour relayer cette propagande. dans la presse.
« S’il est possible qu’il fleurisse encore quelque part, dans l’âme française, une dernière fleur de pitié pour ces brutes, il faut l’en extirper comme une fleur de poison, et en faire de la cendre et du fumier, et planter à même ce terreau immonde la fleur que nous ne connaissions point, la fleur que nous devons cultiver désormais, la sainte fleur de la haine.
Non pas de cette haine bestiale et démente qu’exalte un de leurs poètes, et qui gonfle l’âme allemande à la façon, d’un monstrueux abcès, et en fait gicler toutes les sanies de la plus atroce scélératesse ! Nous aurions beau le vouloir, et y employer nos énergies les meilleures, elle ne pourrait pas prendre racine dans l’âme française, cette haine-là. Nous sommes de civilisation trop ancienne et trop noble pour redevenir jamais les fauves qu’ils sont, en régression jusqu’aux époques préhistoriques où le futur homme, encore à l’état de Caliban, se vautrait en pleine animalité.
La haine qui les rend tels, et qui est l’essence même de leur âme, elle nous fait horreur. Nous ne permettrons pas qu’ils nous l’enseignent, ces docteurs en infamie. Nous répugnons à nous assimiler ce produit de leur hideuse culture.
Même pour les punir de leurs crimes, nous ne saurions pas être leurs disciples en cruauté.
Qui de nous aurait l’abominable courage de tirer sur des ambulances, de supplicier des populations sans armes, de mettre des otages innocents en boucliers voués au massacre devant nos troupes marchant à l’assaut, de lancer sur des villes ouvertes des bombes au naphte, des obus à cordelettes de résine déroulant l’incendie, d’arroser les maisons habitées avec des pompes à pétrole, de souiller des jeunes filles sous les yeux des parents immobilisés, d’assassiner ensuite les victimes de ces horreurs après leur avoir fait à elles-mêmes creuser leur fosse, et d’emmener en captivité quatorze mille adolescents de quinze à dix-sept ans, comme ils viennent de le faire dans le Cambrésis, renouvelant ainsi les plus inhumaines pratiques de l’esclavage, et de couper le poing droit à ces combattants futurs, comme ils l’ont fait ailleurs, et enfin de renvoyer des prisonniers mutilés, comme ils l’ont fait récemment en Russie, où l’on a vu revenir des cosaques les yeux crevés, sans nez et sans langue ?
Se trouverait-il chez nous un officier pour commander des monstruosités pareilles, un soldat pour les exécuter ? Non, non, à coup sûr, je le jure par notre civilisation, par notre sensibilité, par toute notre histoire, il n’est pas un Français dont l’âme consentirait à tant de férocité, à tant d’avilissement. L’idée seule que l’on puisse l’en supposer capable soulèverait d’indignation et de dégoût celui d’entre nous que l’on, condamnerait à être ce bourreau ou ce valet de bourreau.
Et pourtant ils s’y emploient, eux, à ces métiers épouvantables, et avec méthode, et avec joie. Ils ont des chefs qui en donnent les consignes. Ils ont des soudards qui obéissent à ces consignes, et qui même, non contents d’y obéir, s’en délectent.
Ils ont pire encore. Ils ont des écrivains, des philosophes, des professeurs, qui approuvent ces tortionnaires. Non seulement en ne protestant pas là contre, mais en affirmant que la guerre faite ainsi est logique, et que qui veut la fin, veut les moyens, et que tous les moyens sont bons quand cette fin est sacrée, et qu’ici la fin est sacrée, puisqu’il s’agit d’imposer au monde le règne de l’idéal allemand. Et ces penseurs appellent cela un idéal !
Et ils ont pire encore ; Ils ont pour chef suprême un aliéné qui décrète que tout cela est de droit divin, qu’il est le représentant du Très-Haut parlant par sa voix à lui, à lui le Kaiser infirme et mastoïde. Et il essaie de le propager dans le monde, par un factum dont sont inondés les États-Unis, factum où il proclame décliner toute responsabilité pour le terrible crime de cette guerre et toutes ses conséquences relativement au développement du royaume de Dieu sur la terre.
Et ils ont pire encore. Ils ont ce tas de brutes qu’ils sont, ayant foi dans cet Évangile de massacre.
Et ils ont pire encore. Ils ont chez eux des femmes, des mères, écrivant des lettres comme celle, authentifiée par le témoignage d’un intendant militaire, et trouvée par lui sur un officier allemand blessé, et au bout de laquelle cette mégère dit à son mari : « J’espère que tu n’épargneras ni les femmes ni les enfants ».
O âme française, âme gaie, généreuse, noble, âme de ce pays souriant que nos vieux poètes appelaient déjà, il y a mille ans, la doulce France, l’heure est venue, tu le vois bien, grâce à ces monstres, de ne plus être par trop la doulce France, et de laisser fleurir en toi, même au cœur des plus incorrigibles pacifistes, des plus extatiques humanitaires, la fleur de la haine, de la haine implacable, sans rémission, sans exception, justicière et vengeresse, de la haine qui va enfin devenir par toi la belle haine, la sainte haine, la haine ayant pour épanouissement suprême l’amour entre tous les enfants de la terre, une fois Caïn exterminé ».
LA HAINE : Jean Richepin de l’Académie française
Le petit Journal du 13 octobre 1914